Junkie.


[Fiction]

Tout partait d'un simple et bête rêve. Stupide et totalement banal. Une autre l'aurait totalement oublié à son réveil. Je n'étais pas cette autre. Ce rêve m'avait marqué à vie, j'en étais imprégnée, il ne pouvait plus se détacher de mon cerveau. Et pourtant, le scénario n'était pas fabuleux. Mais deux ans après, le souvenir de ce rêve était resté intact. J'avais trouvé le moyen de le reproduire, le revivre, le ressentir à nouveau. Je voulais en garder une trace claire dans mon esprit, et la conserver jusqu'à mon dernier souffle. 

Déjà un an que j'en rêve tous les jours. Je le connaissais par coeur, ce film. Mais pour le voir et le revoir, il fallait payer un ticket. Et il n'était pas des moindres. Pas tout à fait orthodoxe non plus. Mais peu m'importait, j'en avais besoin, et ce par tous les moyens. Je m'évadais ainsi dans un autre monde, un monde beau et incroyable.

Oui, pour une fois on me prouvait que je valais quelque chose, j'avais de l'importance aux yeux de quelqu'un, et pas seulement parce que je devais lui payer ma dose depuis deux semaines. J'étais en paix, amoureuse, étudiante et le plus important : j'avais des parents et une vie. Ils étaient devant moi, en chair et en os, en vie et heureux. Ils se souciaient de moi. Pour une fois, je réussissais ce que j'entreprenais, j'étais brillante, je pouvais faire ce que je désirais et savais ce que je désirais.

Et après cette belle vision, je me réveillai. Dans cette cave insalubre qui me servait de chambre à coucher, la vieille ampoule jouait au clignotant, tandis que les cafards se disputaient dans un coin pour les restes de ragoût en putréfaction. La peinture des murs s'écaillait, la ventilation était aussi utile qu'un radiateur lors d'un été caniculaire, l'air devenait peu respirable.

Mon oxygène était là, posé à mes côtés, n'attendant que moi. J'avais encore une fois fait un énorme bond dans la réalité, à mes dépens. Je voulais y revenir, encore une fois. Les revoir. Y revenir pour ne plus jamais le quitter. Une dernière bouffée, une dernière inspiration. Un dernier soupir. Je ne rêvais pas. Je ne rêverai jamais plus.

Pgm.