Rock the World. ♫






[Fiction]


Un son. Deux sons. Trois sons. "1,2,3... Test micro ?" Les fans se mirent à hurler dès mon entrée sur scène. Grisant. Je savais quel pouvoir j'avais, quelle emprise, mais jamais je n'ai réussi à me sentir à l'aise sans jouer, ni chanter. Les premiers coups de batteries me parvinrent brutalement aux oreilles. Je débutai mes accords avec une facilité qui m'étonna. Oui, les concerts étaient devenus une routine. Chaque soir les mêmes mièvreries commerciales. "Cette fois sera la dernière, je quitte le groupe", me promis-je intérieurement. Les autres aussi n'en pouvaient plus. Les commerciaux et leur pression nous mettaient radicalement à bout. Quel est l'intérêt des chanter quelque chose que l'on aurait jamais apprécier écouter ? Les belles années de nos débuts étaient les meilleures et le resteront. Le passé me manque. Nous jouions avec passion sans relâche, nos paroles étaient engagées, tout le contraire d'aujourd'hui. Même nos premiers fans nous considèrent désormais comme un groupe principalement commercial. Je déteste ce mot. Je sais que je suis dans un milieu très combattif, et je sais que le monde n'est pas parfait, mais vouloir à tout prix se faire de l'argent sur notre dos, je ne le supporte plus.


Bien, changement de chanson. Encore une autre chanson d'amour, pour les jeunes filles en mal d'amour. Attention, je n'ai rien contre elles, mais ces chansons ne représentent rien de ce que nous ressentons, nous les musiciens du groupe. Bien sûr, on a essayé de faire passer nos textes, mais la maison de disques les refusent sans conteste, parce que "ce serait prendre un énorme risque de faire la promotion de singles non-écrits par des pros". Leurs paroles tournaient encore dans ma tête, et je fus tellement tourmenté que ça me fit rater un accord. Un autre. Mickey, le batteur, commence à me faire les gros yeux. Les autres rient. Je suppose qu'ils sont contents parce que ça change un peu. Nous sommes amis, et jamais nous ne nous permettrions de nous moquer les uns des autres. Les chansons, les textes, nous en avions fait. Énormément. Les partitions étaient prêtes, nous les avions travaillées, tout était prêt. Mais les agents veulent de la soupe qui se vend. Vint alors une idée. Les mecs seraient-ils d'accord ? Sûrement.

Pause. J'arrête la guitare. "Mais qu'est-ce que tu fais ?" Les fans commencent à se taire. Ils s'inquiètent. Je vais voir Mickey, lui explique ce que je veux. Il passe le mot aux autres. Les fans comment à siffler, à clamer le fait d'avoir payé pour nous voir, nous qui nous dégonflons en plein milieu du concert. Silence de 2 minutes. Notre agent, qui se trouve dans les coulisses, commence à paniquer. Je l'entends déjà grogner et ouvrir son téléphone pour éviter que l'on finisse dans la presse. "Fais ce que tu veux, je m'en fiche." Sans rien dire, je reviens devant mon micro, et commence les accords. Mes accords. Notre chanson. Notre composition. Et cette fois, le plaisir de jouer est là. Bien plus grand. Je ressentais chaque note, chaque fois que je chantais mes paroles. Les autres se remirent à jouer, avec bien plus de vigueur et d'enthousiasme que toute à l'heure. Les fans allaient-ils nous soutenir ? L'inconnu nous fait peut, tout le monde le sait.

Un claquement de mains. Puis deux, quatre, des dizaines, des centaines. Tous les spectateurs tapaient en rythme avec notre chanson, plus joyeux que jamais. La salle explose, j'aperçois mon agent qui applaudit lui aussi. Je voyais déjà les titres des tabloïds, "Le meilleur concert qu'ils n'aient jamais fait"? ou encore "Ils sont de retour !". Sauf qu'ils se trompaient.

Après avoir joué 6 de nos compos originales, nous arrêtons enfin. Les spectateurs nous remercient et clament notre nom. S'ils savaient... Je prépare alors mentalement ma phrase, celle-ci répétée depuis un bon bout de temps avec les autres, trop longtemps.

"On arrête là."


Pgm.